Smart Contracts – le fiduciaire a-t-il vraiment fait son temps ?

13.08.2020 // Sacha Briggen

M. Müller veut vendre sa maison – plus facile à dire qu’à faire ! L’achat et la vente d’un bien immobilier est un processus assez compliqué qui implique beaucoup de paperasserie et de contrats. Heureusement, M. Müller peut s’asseoir et confier cette mission à la société fiduciaire de son choix. Les deux entrent en jeu : le mandant n’a pas à s’occuper de la gestion du contrat et le courtier reçoit une rémunération attrayante pour ses services. Mais désormais, les contrats intelligents, entrent en jeu et promettent des affaires simples, transparentes et directes sans intermédiaires. Dans les médias, le Smart Contract est même parfois qualifié de nouveau « fiduciaire numérique ». Mais est-il vraiment possible de remplacer les fiduciaires par des machines ?

Changement de paradigme grâce à un « trustless system »
Chaque jour, les parties concluent des contrats dont elles supposent qu’ils seront honorés – mais il n’y a aucune garantie. C’est pourquoi les intermédiaires, en tant que médiateurs et gardiens de l’objet du contrat et de son contenu, jouent un rôle essentiel pour surmonter cet aspect de la confiance. Mais c’est exactement là qu’intervient la chaîne des blocs. En tant que trustless system dit « sans confiance », une technologie a été créée qui ne nécessite pas la confiance de l’autre partie – la seule chose à laquelle on peut faire confiance est la technologie. Le rôle de la confiance est ainsi déplacé des sociétés établies et des personnes de confiance vers une instance virtuelle. C’est l’un des plus grands changements de paradigme apportés par la numérisation. Comme le montant contractuel dû (en crypto-monnaie) est déposé auprès du contrat intelligent et n’est libéré qu’après la fourniture du service, les parties contractantes n’ont pas à se faire confiance et il est possible de se passer d’un intermédiaire de confiance, tel qu’un fiduciaire ou une banque.

Les Smart Contracts remplacent-ils un fiduciaire ?
En principe, la liberté de forme du droit suisse des contrats permet – sans interdiction explicite – de rédiger un contrat en langage de programmation. Il est donc également concevable qu’au lieu d’une relation fiduciaire, un contrat intelligent soit établi et que les conditions et les actifs y soient déposés. Le smart contract en tant que « dépôt sécurisé » peut être déterminé de telle manière qu’en cas de survenance de l’événement X (p. ex. un transfert de fonds), la créance soit revient automatiquement au débiteur, soit est transférée au créancier conformément à l’accord. Les deux parties peuvent ainsi économiser les honoraires de l’intermédiaire. Les contrats intelligents annoncent-ils donc la fin des fiduciaires en tant qu’intermédiaires ? Nous pouvons vous rassurer. À notre avis, la technologie ne peut toujours pas remplacer le fiduciaire. Il faut notamment tenir compte du fait qu’un contrat intelligent, en tant que logiciel, n’a pas de personnalité juridique et que la technologie peut tout au plus assumer une sorte de fonction fiduciaire, dans laquelle aucun rapport contractuel n’est établi, mais où l’intérêt personnel est poursuivi à l’aide de la technologie et où les biens ne sont plus remis à une partie indépendante. À notre avis, il est plus concevable que des smart contracts puissent être utilisés dans le cadre d’une relation fiduciaire. Ainsi, la nouvelle technologie trouve sa place et sa justification en tant que nouvel outil d’optimisation des processus contractuels dans le répertoire fiduciaire.

Une jeune technologie à fort potentiel pour la branche fiduciaire
La technologie Smart Contract est encore très jeune, mais elle est fondamentalement adaptée au traitement indépendant des contrats dans lesquels les actifs sont reçus et, une fois les conditions préprogrammées remplies, transmis à l’autre partie. Il est incontestable que les contrats numériques servent à simplifier et à automatiser l’exécution et l’application de certains éléments du contrat, dont les sociétés fiduciaires peuvent également bénéficier. L’image de la nouvelle technologie est encore caractérisée par de nombreuses spéculations, des problèmes de démarrage tels que le manque d’échelle et une forte consommation d’énergie. En outre, avant de pouvoir procéder à un déploiement de masse, il faut d’abord élaborer un cadre réglementaire de base, car il n’existe encore aucune disposition du législateur ou de l’UE (mot-clé : RGPD). Le rôle des intermédiaires pour les contrats blockchain doit également être redéfini. Néanmoins, avec le temps, la technologie se perfectionnera et atteindra le milieu de la société. Mais cela signifie aussi que pour certains groupes professionnels, tels que notaires, fiduciaires, comptables, conseillers fiscaux ou, en gros, tous les organismes chargés de conclure des contrats, les contrats intelligents serviront à faciliter leur travail ou à le modifier complètement à l’avenir. Quoi qu’il en soit, le fiduciaire doit se demander s’il doit tirer parti de la technologie et la considérer comme une extension de son modèle commercial et offrir de nouveaux services dans ce contexte.